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La création de la forêt landaise

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La pinède est devenu aujourd’hui un archétype paysager landais. Pompiey

Les Landes de Gascogne ne comportaient jusqu’à la fin du XVIIIe siècle qu’une seule forêt naturelle de quelque importance, celle des dunes anciennes fixées de l’intérieur du littoral, la vieille forêt de pins maritimes.

Le reboisement des dunes littorales

Les premiers efforts de reboisement se manifestèrent sur les dunes littorales vives, où Brémontier, ingénieur des Ponts et Chaussées à Bordeaux de 1766 à 1802, mit au point, à partir de 1790, la technique de fixation du sable vif par des semis de pins dans des fascines de gourbets (Ammophilia arenaria) à racines profondes, et obtint en 1801 un décret du gouvernement consulaire ordonnant le boisement de tout ce rivage. Ce fut la nouvelle forêt.

La Lande humide et pauvre

Mais l’intérieur des Landes, grande plaine de sables du Quaternaire supérieur provenant de la plate-forme littorale qui, poussés par les grands vents d’Ouest, avaient fossilisé et obturé un réseau hydrographique déjà indigent, restait le domaine à peu près exclusif d’un endoréisme humide, à niveau de base constitué à quelques dizaines de centimètres de profondeur par un horizon d’enrichissement imperméable de grès ferrugineux, l’alios, produit de la podzolisation des sables.
Cette vaste région était jusqu’au milieu du XIXe siècle un pays désolé. On connaît l’image des bergers sur les échasses : « en hiver, les eaux s’étalaient en marécages ; en été, la lande devenait un désert sec où régnait la fièvre ».
Au XVIIIème et dans la première moitié du XIXe siècle, les rares terres de culture se localisaient autour des villages bâtis sur les versants des vallées, seuls à être à peu près convenablement drainés, avec des noyaux de culture permanente associant du seigle d’hiver, cultivé sur billons à l’abri de l’eau, et du millet d’été entre les billons. La lande, totalement recouverte par les eaux et à peu près inaccessible en hiver, était parcourue en été, après l’incendie de la végétation naturelle fournissant des composts organiques pour l’engraissement des terres cultivées, et à la faveur de la baisse du niveau des eaux, par des troupeaux de moutons, appartenant aux notables de villages et conduits par des bergers spécialisés montés sur de grandes échasses.
Des essais de cultures et d’élevages coloniaux, furent entrepris à la demande de Napoléon 1er : on tenta ainsi vainement les cultures de l’arachide et du cotonnier, et l’introduction des buffles en 1806.

La percée des nouvelles voies

La circulation restait extrêmement difficile. L’absence de matériaux d’empierrement, en ce pays sableux, réduisait les routes terrestres à de simples pistes, inondables pendant l’hiver. Les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle traversaient le pays, mais non sans peine : « Quand nous fûmes dedans les Landes, Bien étonnés, Nous avions de l’eau jusqu’à mi-jambe De tous côtés ».
Cette circulation d’une extrême lenteur paralysait tout essor économique. La circulation n’empruntait réellement que l’itinéraire dit des Petites Landes, qui reliait la ceinture des agglomérations entourant la Grande Lande : Langon, Bazas, Roquefort, Mont-de-Marsan, Tarbes, Dax. Dans la première moitié du XIXe siècle, on chercha en vain des solutions dans les directions les plus diverses : projets de canaux de Bordeaux à la Midouze, de la Garonne à la Douze par la Baïse et la Gélise ; projet très sérieux d’acclimatement de chameaux dans la Grande Lande. Le conseil d’arrondissement de Bordeaux sollicitait le 26 juin 1833 l’établissement d’un haras de « chameaux de la grande espèce », et un petit convoi de cinq dromadaires arriva effectivement en 1836 à Mont-de-Marsan, pour être confié au juge de paix de Pissos !
Les travaux du chemin de fer de Bordeaux à Bayonne jouèrent un rôle décisif : ligne de Bordeaux à Dax en 1854 et à Bayonne en 1855, avec embranchement de Morcenx à Mont-de-Marsan et Tarbes en 1859, complété à partir de 1875-1880 par des voies d’intérêt local, ce qui permit la vente des produits au-dehors. C’était l’idée du financier Pereire : donner au pays un axe de circulation. On creusa, dès 1841, des fossés latéraux, pour évacuer l’eau vers les étangs du littoral. On construisit aussi des routes affluentes au rail (exemple vanté par la suite d’association Les progrès techniques du rail et de la route), flanquées de fossés. Ce principe pouvait être appliqué à l’ensemble du pays. Comme l’avait montré l’ingénieur Chambrelant, ces fossés ou « crastes » devaient être plus profonds que la croûte souterraine (ou « alios ») qui retenait l’eau.

La création de la forêt landaise

La technique d’aménagement avait été mise au point de façon exemplaire par Chambrelent, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui avait acheté en 1849 un domaine marécageux de 5 000 hectares de Saint-Alban, près de Cestas, dans la Lande girondine, l’avait drainé en moins d’un an par un système de « crastes », fossés et canaux, et avait montré la possibilité d’un reboisement. L’influence personnelle de Napoléon III apporta l’impulsion décisive. Il acheta 8 000 hectares de terres au Nord de Morcenx (domaine qui prit le nom de Solferino) et fit voter les lois de 1857 et 1860 qui obligeaient les communes à assainir et boiser leurs landes en les contraignant à aliéner les parcelles susceptibles de culture. Un réseau de crastes long de 2 500 kilomètres permit d’assécher 300 000 hectares où la lande fit place à une très belle forêt.

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Le développement de la forêt landaise : Pourcentage de forêts par rapport à la surface totale.
Source : Géographie historique de la France. Xavier de Planhol. 1988 (d’après les cartes de Perpillou, 1977)

L’assainissement du pays fut rapide, et la vente de quinine diminua des neuf dixièmes en quinze ans. Au cours du demi-siècle suivant se constitua une immense forêt de pins, de 850 000 hectares au total avec les forêts des dunes, qui, avec les quelques dizaines de milliers d’hectares de forêts de chênes qui existaient antérieurement, forme un bloc de plus de 900 000 hectares, le dixième de la superficie totale des forêts françaises.

Cet essor a été inséparable de celui des mines de houille de l’Europe septentrionale dont la forêt landaise a été le principal fournisseur de poteaux de mine à la fin du XIXe siècle. A cette première forme d’utilisation du bois succèdera la distillation de la résine : l’objectif de la forêt landaise a longtemps été de produire de la gemme, production qui disparaitra à la fin des années 1970.

Au fil des évènements du XXème siècle (incendies de 1940-49, défrichements agricoles des années 1960-70), le taux de boisement s’est stabilisé depuis les années 1980. Aujourd’hui, hormis sur le cordon littoral voué à la protection des dunes, la forêt de pin maritime a clairement un objectif de production de bois et elle alimente une filière de transformation importante.

sources : Géographie historique de la France. Xavier de Planhol. 1988 ; Histoire de la France rurale. Sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon. 1992 ; CRPF Aquitaine