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Le champ
Dans ce département rural, les paysages sont très fortement marqués par l’activité agricole. On est tout de suite frappé par la variété des paysages que compose la mosaïque des cultures : grandes cultures, maraichage, vergers, vignes et prairies se mêlent créant des paysages très diversifiés. L’omniprésence de cultures spécialisées fait que l’on voit de nombreuses personnes travailler dans les champs et les vergers, beaucoup plus que dans la plupart d’autres départements français. Si l’élevage peine parfois à se maintenir, il joue un rôle prépondérant dans la valorisation de terres difficiles à entretenir par la culture, notamment dans les fonds de vallées ou sur les pentes.
Le parcellaire
- Carte de l’occupation agricole du sol en Lot-et-Garonne. Source Corine Land Cover 2006
- (Attention les petites parcelles échappent à l’analyse satellitaire ce qui minore notamment les surfaces de vignes et de vergers)
7 200 exploitations agricoles exploitent 284 300 hectares de surface agricole utile (2010) et près de 22 300 hectares de bois, landes et autres surfaces non productives rattachées aux exploitations. La surface exploitée avait diminué de 6% entre 2000 et 2010.
Les sièges d’exploitation, qui couvrent également 3 500 hectares de cours et bâtiments, sont essentiellement regroupés dans les vallées majeures et dans les vallées secondaires.
Les champs céréaliers recouvrent 60% de l’ensemble avec un gros tiers de céréales à paille, un petit tiers d’oléagineux -tournesol, colza- complétés d’un peu de pois, un petit tiers de maïs concentré dans les secteurs irrigables. L’herbe et les fourrages (22%) marquent surtout les fonds humides et les pelouses sèches. Ces champs sont ponctués, sans logique toujours apparente, de jachères (7%), de plantes industrielles (semences grainières et tabac), vergers (6%), vignes (2%), cultures maraîchères (2%).
**L’agriculture mosaïque
Ce caractère mosaïque est sans doute très ancien car il reflète l’hétérogénéité des terres, mais aussi, jusqu’à une époque récente, une agriculture de subsistance qui se devait de limiter les risques en diversifiant les récoltes.
Une exploitation faisait rarement plus de 10 ha encore en 1955 dans les grandes vallées ou dans les collines du nord de la Garonne, 15-20 ha au sud de la Garonne.
C’est ainsi qu’au milieu des parcelles céréalières, s’intercalent des rangées de fruitiers, des parcelles de maraîchage ou des vignes.
La trame de fond des paysages reste la rotation céréalière dominante, où se succèdent quasiment à égalité blé, maïs et tournesol. Avec deux cultures d’été sur trois, le sol reste donc souvent nu en hiver.
**La petite parcelle
- La présence de petites parcelles de cultures spécialisées mixées aux parcelles de grandes cultures donne une grande variété au paysage. Le Passage
Beaucoup de champs font, aujourd’hui encore, entre 1 et 5 ha. Des regroupements plus importants, très classiques dans d’autres régions, apparaissent dans quelques secteurs, où l’on voit des champs recouvrir l’ensemble d’un versant de colline.
Aujourd’hui, ce parcellaire composite apparaît parfois comme un handicap pour certaines mécanisations et il multiplie des cohabitations parfois difficiles comme celles :
entre une parcelle de légume conventionnelle et un voisin en système biologique.
entre une parcelle de semence et une jachère faunistique qui abrite des "cousins" et des repousses recombinées du cultivar contrôlé
entre un tournesol non récolté, aubaine pour les pinsons, et un verger voisin sur lequel les pinsons terminent l’hiver en picorant les bourgeons
Il offre pourtant de réels atouts pour une agriculture du XXIème siècle : pour maintenir des exploitations à taille humaine, pour rapprocher producteurs et consommateurs, ou pour maintenir une faune auxiliaire autour des cultures.
**Le maïs providentiel
C’est dans un système de champs céréaliers quasiment jardinés que le maïs arrive à la fin du XVIème siècle. D’abord testé à Bayonne de retour d’Amérique, il va permettre la mise en culture de l’ensemble des terres de boulbènes, mais surtout des terreforts.
Il est cultivé comme tête de rotation, soigneusement sarclé, ce qui va permettre de maîtriser les adventices vigoureux des terreforts qui ont jusqu’ici étouffé les semis de céréales. Dans le Béarn, il est rapidement cultivé en alternance avec le blé, ce qui permet quasiment de se passer de jachère. Partout, ses chaumes abondants offrent un fourrage de qualité aux bêtes de trait, ses feuilles et ses grains engraissent la volaille. L’impact du maïs est plus modéré en Lot-et-Garonne. En revanche, le maïs providentiel en Aquitaine n’essaime pas au-delà : plus au nord, il manque de chaleur et ne parvient pas à faire mûrir ses grains. En région méditerranéenne, il ne trouve pas les pluies d’été qui lui sont indispensables.
200 ans après son apparition, lorsqu’Arthur Young traverse l’Aquitaine dans les années de la révolution française, ce système de culture a effacé les vastes surfaces de jachère improductive. L’agronome anglais s’enthousiasme de voir cette région de France qui, la première, a réussi à mettre en culture toutes ses bonnes terres en supprimant la jachère. Aujourd’hui le maïs occupe environ 20% de la surface agricole de Lot-et-Garonne mais tend à régresser au profit de cultures moins gourmandes en eau.
**L’ilot irrigué
- Lac collinaire, pivots, prise d’eau et asperseurs ont permis l’intensification agricole. Villeneuve-sur-Lot
L’irrigation, traditionnelle dans les grandes vallées, permet depuis les années 1970-80 d’intensifier et de sécuriser des productions dans les secteurs de collines où les rendements restaient jusque-là très aléatoires.
Dans les vallées majeures ; 70 millions de m3 sont aujourd’hui pompés dans les eaux de surface et dans les nappes phréatiques. Les premiers réseaux collectifs importants ont été mis en place dans les années 1960 pour des parcelles de vergers, de légumes, de tabac. Les canons à enrouleur ont rapidement été installés aussi sur les maïs. Leurs jets spectaculaires sont de plus en plus remplacés par les portiques stricts des rampes, plus économes et plus précis.
L’irrigation s’est développée ensuite par forages dans des nappes souterraines et surtout par la multiplication de lacs collinaires sous forme de petits barrages en-travers des têtes de vallons secondaires. 25 millions de m3 sont fournis aujourd’hui par ces las collinaires, dans tous les secteurs de collines. Ces lacs permettent souvent d’implanter quelques dizaines d’hectares de vergers. Les asperseurs restent de mise sur les légumes mais dans les vergers, ils sont de plus en plus remplacés par des goutte-à-goutte plus discrets et surtout beaucoup plus efficaces.
La surface équipée pour l’irrigation a presque doublé dans les années 1980 avec l’aide des subventions de la PAC pour atteindre 110 000 ha, soit un bon tiers du parcellaire.
Un tiers de cette surface équipée, cependant, se passe d’irrigation car le blé et le tournesol, qui interviennent dans les rotations, ne sont pas irrigués. Les 60 à 100 millions de m3 prélevés, selon les besoins, sont utilisés sur une partie du maïs, les vergers (la prune d’ente, le kiwi, le noisetier), les légumes (la fraise, la tomate) ou les semences.
Les retenues se multiplient actuellement pour irriguer par exemple les vergers de noisetiers. Passer de 15 000 à 30 000 ha nécessite de doubler les réserves, et de disposer de 3 millions de m3 d’irrigation complémentaires. Plusieurs pistes alternatives sont également envisagées, qui induisent des modifications du paysage très différentes de ces lacs de retenue : reconvertir les sites de gravières en bassins de stockage d’eau ; utiliser le sous-sol calcaire -sur les 50 premiers mètres- comme réservoir en dirigeant les exutoires de drainage vers des puisards ou des secteurs de recharge des nappes. Avec le réchauffement climatique, l’îlot irrigué pourrait devenir également un dispositif de climatisation de la ville par le moyen d’un verger irrigué périurbain, par exemple, et/ou d’espaces verts irrigués. Sa température est en effet de 5 à 10°C inférieure à un champ sec, tandis que la ville ne cesse de s’échauffer. |
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Le pré et la bête au champ
Si l’on regroupe les 25 000 vaches allaitantes, 15 000 vaches à lait et autant de brebis allaitantes, leurs produits pèsent moins de 10% du chiffre d’affaires de l’agriculture départementale. Ils créent cependant toujours l’événement dans le paysage, du moins en période de pâture.
Une IGP (Indication Géographique Protégée) garantit l’aire de production du bœuf bazadais (frange ouest du Lot-et-Garonne).
- L’élevage bovin en Lot-et-Garonne. Carte Chambre d’agriculture 47. janvier 2013
- L’élevage bovin se situe principalement dans les Terreforts et la vallée du Dropt et dans une moindre partie dans le Pays de Serres et les Terres Gasconnes.
La race locale Blonde d’Aquitaine reste très présente, souvent par petits troupeaux, pour valoriser des cordons de prés humides dans les molasses du nord et dans celles du sud vers Nérac, Mézin. Les deux autres races locales sont aussi d’anciennes vaches de trait rustiques reconverties en allaitantes : la bazadaise à robe grise et la gasconne à robe blanche. Il ne reste qu’un abattoir, à Villeneuve-sur-Lot.
Les vaches laitières sont de plus en plus regroupées autour de quelques secteurs de collecte : tout le secteur du Dropt, et au contact du Périgord noir, même s’il reste quelques élevages dans les Serres. Leur alimentation repose sur l’ensilage de maïs.
Les deux filières sont actuellement menacées, bien que l’association entre culture et élevage soit l’un des enjeux majeurs de l’agriculture des décennies à venir, car elle rétablit le cycle naturel, par ailleurs cycle court économiquement, entre le sol, l’herbe, l’animal et ses déjections fertilisantes. Cela vaut pour la vache allaitante, la laitière nourrie à l’herbe, mais vaut également pour la vache laitière nourrie au maïs ensilage et même pour l’élevage de volaille.
**L’élevage de volailles
Les oies et les canards ont disparu du paysage commun. Ils sont pourtant 2.5 millions habitant les hangars spécialisés. Ils consomment 150 000 tonnes de céréales, et les 45 millions de chiffre d’affaires du foie gras dépassent celui de la prune.
Les poulets ne sortent pas davantage de leurs hangars mais les riverains identifient bien ces élevages, en particulier du fait du paysage olfactif. L’installation d’un bâtiment, même en bio, rencontre souvent une opposition du voisinage.
3 IGP (Indication Géographique Protégée) garantissent des aires de production des volailles : Gascogne, Landes, Gers. Deux IGP garantissent, plus globalement, respectivement le foie gras et le porc du sud-ouest.
**Chevaux, moutons et chèvres
Les brebis et leurs agneaux, plus populaires, parcourent encore les paysages des causses, mais les agneaux disparaissent dès le printemps. Ils sont rapidement rentrés en bergerie pour être engraissés puis abattus à 6 mois. Cette production, généralement complémentaire, régresse rapidement en raison de ses contraintes. Il est possible qu’elle regagne de l’intérêt, comme l’une des activités principales, car elle conserve de véritables atouts économiques. 2 IGP (Indication Géographique Protégée) garantissent l’aire de production de l’agneau du Quercy (frange est du Lot-et-Garonne) et de l’agneau du Périgord (frange nord du Lot-et-Garonne).
L’animal qui monte dans le paysage est assurément le cheval. Les 2000 chevaux, 500 ânes ou mulets, sont destinés à l’équitation de loisir, parfois à la course ; la filière représente quasiment autant d’équivalent emplois. Chevaux de sang et chevaux lourds alimentent en outre une filière de boucherie chevaline. Le cheval est un atout précieux à la fois pour entretenir le paysage, conserver voire rétablir l’ouverture de vallons enfrichés, entretenir les chemins, mais aussi pour le mettre en valeur par des itinéraires.
L’atelier spécialisé
Le milieu naturel du département se prête mal à des productions de masse, mais plutôt à l’exploitation de filières de niche à haute valeur ajoutée. La diversification s’impose également face aux aléas du climat, mais aussi des débouchés. Cela explique que ce paysage dominé par des champs céréaliers "tout venant", autrefois surtout vivriers, ponctués de petites parcelles à haute valeur ajoutée et très gourmandes en travail. De longue date, c’est sur ces quelques parcelles particulièrement soignées que se fait le revenu agricole : les 30 à 50 ha de céréaliculture sur sol moyen ne rapportent pas grand-chose quand on sait qu’il faut aujourd’hui 150 à 200 ha de bonne terre pour amortir les machines et espérer gagner le premier revenu.
L’agriculture locale est structurée en filières par produit, chacun ayant ses acteurs de transformation et conditionnement pour expédier des produits transportables, ses structures commerciales, ses transporteurs.
- Les cultures industrielles au XVIIIe siècle dans l’Agenais
- Carte : JP Charrié, CNRS Géographie Bordeaux
Cette logique de petites exploitations tournées vers des spécialités haut de gamme, attirant une main d’œuvre ouvrière, a débuté avec le vin et l’huile de noix dès l’époque romaine. Elle s’est poursuivie avec la prune séchée au XVème siècle, essentiellement exportés par voie fluviale puis au XVIème avec le tabac, au XVIIème avec le maïs et ses sous-produits, confit, foie gras. Elle a connu une nouvelle ère depuis les années 1970 avec des fruits et légumes de plein champ -tomate, ail- puis, avec l’atout des lacs collinaires, les nouveaux vergers -kiwi, noisette-, sans oublier la reconversion massive du confit de canard en magret, sur une idée du chef gersois André Daguin en 1959.
“On ne saurait trop insister sur cette vocation agricole de l’Agenais : voici un des très rares pays où la prospérité a pu naitre et se développer, à l’époque contemporaine, en dehors de tout essor urbain, de toute implantation industrielle notable sans industrie lourde, même sans véritable activité artisanale : il doit sa richesse (relative), avant tout, à l’utilisation intelligente de toutes les ressources de la terre, vouée à l’élevage et aux cultures spécialisées, et plus encore au travail intense de ses habitants. Cette dominante agricole, établie sur les ruines de l’artisanat d’ancien régime, a d’abord provoqué une large émigration et une dépopulation des bourgs et des petites villes, mais ensuite surtout depuis la fin de la Première Guerre mondiale une immigration considérable a contribué à un renouveau d’activité dans l’ensemble du département.” (source : Atlas historique français - Agenais, CNRS, 1979)
Plus de la moitié des exploitations composent aujourd’hui encore avec plusieurs de ces filières. Cette diversité est parfois une source de difficultés quand il faut conduire de front plusieurs spécialités, avec chacune leur technicité, leurs investissements, leur filière.
Cela reste en revanche une sécurité et un gage de dynamisme des exploitants. Une exploitation sur cinq, par exemple, commercialise des produits en circuit court : vente à la ferme, marchés, vente à un commerçant détaillant ; pour une sur dix, c’est même là son principal chiffre d’affaires.
Le vignoble et le verger
**Le vignoble
Les 7000 ha de vigne aujourd’hui sont concentrés dans les quelques secteurs AOC mais ne recouvrent jamais l’ensemble du paysage et sont ainsi moins marquants que ceux des graves ou du bordelais qui s’étendent à perte de vue. Hormis quelques exploitations à Buzet, la vigne reste une culture de diversification pour plus de 500 agriculteurs du département. La quasi-totalité du raisin est vinifié par des caves coopératives sauf à Duras où 40% de la production est vinifiée par des petits producteurs. Il est vrai que les 30 millions d’euros de vente annuelle de vin du Lot-et-Garonne ne pèsent pas lourd comparés aux 1 500 millions des immenses vignobles régionaux.
Les parcelles du Buzet, Duras, Brulhois, ont cependant un autre charme. Elles s’insèrent entre des parcelles de céréales, de vergers, de bois.
6 AOC (Appellation d’Origine Controlée, reconnues comme AOP, Appellation d’Origine Protégée, au niveau européen) garantissent l’origine de crus départementaux. Elles portent sur une gamme de vins blancs, rosés et rouges dans les secteurs de Buzet, des Côtes de Duras, des Côtes du Brulhois, des Côtes du Marmandais. Au sud du département, certains vignobles relèvent des AOC de l’Armagnac et Floc de Gascogne.
6 IGP (Indication Géographique Protégée) garantissent l’origine d’appellations viticoles.
Pour en savoir plus lire le vignoble de Lot-et-Garonne
**Le verger de prune, de noix
Les 15000 ha de fruitiers sont majoritairement des pruniers ; viennent ensuite les pommiers (2000 ha) et quelques noyers (500 ha), châtaigneraies. Des vergers à fruits frais, plus ponctuels, se repèrent de loin au printemps : pêchers, cerisiers, abricotiers, poiriers. Ils sont en régression assez rapide.
Tous ces vergers recouvrent des terrasses entières dans la vallée du Lot ou de la Garonne. Dans les molasses, les Serres, des vergers de quelques hectares jalonnent les versants. Ils ne sont jamais loin d’un lac collinaire.
Une IGP (Indication Géographique Protégée) garantit l’aire de production du pruneau d’Agen ; elle recouvre tout le département et l’équivalent de 4 départements voisins.
L’AOP (appellation d’origine contrôlée) Noix du Périgord s’étend sur nord du département.
***Le nouveau verger : noisetier, kiwi
Apparus au début des années 1980, les vergers de kiwi couvrent aujourd’hui 700 ha sur le département. Le climat doux et peu venté lui convient bien. Les fruits partent dans les villes françaises mais aussi, pour presque la moitié, espagnoles.
Les 1 800 ha de vergers de noisetier ont été surtout plantés dans les années 1990. L’atout local repose sur de grandes plantations -20 ha de moyenne environ-, une récolte très mécanisée et une irrigation importante. Ces vergers s’installent en terrasse alluviale, mais aussi à côté d’un lac collinaire de 0.5 million de m3 environ ou mieux, d’un lac collectif de plusieurs millions de m3. Ce système s’avérant très compétitif, la surface pourrait atteindre 10 000 ha d’ici 2030. Un fort développement est d’ores et déjà lancé autour de Cancon.
Pour en savoir plus lire les vergers de Lot-et-Garonne
Le champ de culture annuelle
**Le champ de tabac
Les 800 ha de tabac, bien reconnaissables à leur couleur vert-jaune, sont la relique d’une culture hier très importante pour de nombreuses petites exploitations du centre du département. Les surfaces ont considérablement régressé avec le chiffre d’affaire, qui atteint environ 6 millions d’euros. L’Europe reste cependant déficitaire en tabac et la filière se bat pour se renouveler face à la concurrence des USA, autour d’une coopérative nationale des producteurs qui succède désormais à l’ancienne Seita. Un champ de tabac était un atelier de travail considérable, dépassant celui d’un verger. Aujourd’hui encore, on compte plus d’une année-homme de travail par hectare : 100 à 200 fois plus que sur un ha de céréales. Les nombreux séchoirs à tabac qui accompagnent les fermes témoignent de l’ampleur passée de cette culture.
**Le champ de légumes : tomate, fraise, maïs doux
2 000 ha de fruits et légumes se repèrent de loin avec leurs lignes espacées, leurs bâches plastiques, leurs asperseurs, leurs équipes souvent au travail. Si les champs de haricot vert sont toujours bien là, une bonne partie des champs de tomate a disparu du paysage dans les années 1990 au profit d’immenses serres froides et de plus en plus, de serres chauffées. C’est le tour aujourd’hui des champs de fraise, qui se réfugient d’ailleurs souvent sous d’anciennes serres à tomate aujourd’hui devenues trop petites et insuffisamment isolées du froid.
Ces surfaces sont concentrées dans les grandes vallées, mais se rencontrent aussi parfois sur les pentes des vallons. Elles ont longtemps représenté la liberté d’entreprendre en agriculture, mais ces productions sont de plus en plus sous contrat. La tomate de plein champ était déjà importante au XIXème siècle, où elle était exportée jusqu’en Angleterre. La fraise, elle, n’est apparue qu’en 1969.
Les ventes en frais -fraise, tomate, asperge, etc.- ont explosé à-partir des années 1970 en lien étroit avec des transporteurs, et sous forme de contrats de production avec des distributeurs et, plus récemment, les centrales d’achat. L’autre grand débouché est la conserverie de légumes. Aujourd’hui structurée par une coopérative, elle gère sous contrat 1 300 ha de maïs doux, 450 de haricot, 350 de tomate, 200 de petit pois.
Bien qu’ils couvrent moins de 10 % des champs, ces fruits et légumes produisent 300 millions d’euros de récoltes : deux fois plus que l’ensemble des champs de céréales du département.
Le maïs doux et la carotte dominent en volume, mais la tomate et la fraise l’emportent en chiffre d’affaires. On trouve également des champs d’asperge, melon, poivron, aubergine, courgette, salade.
La culture sous serre, comme la culture de plein champ -fraise, tomate- sont soumises à rude épreuve au fur et à mesure de la suppression des barrières douanières. La concurrence (Espagne, Pologne)- a fait chuter de moitié les surfaces de fraise depuis 1985. La tomate marocaine arrive souvent 2 à 3 fois moins cher que la tomate locale. Face à la concurrence, la tendance forte aujourd’hui est de passer en serre chauffée, "hors-sol", pour étirer la période de production. Ces filières sont confrontées à rechercher d’autres plus-values que le seul tarif au kilo, et à se positionner chaque fois que possible comme un sous-produit de la production d’énergie, qu’elle soit nucléaire, pétrolière, ou renouvelable (bois énergie).
Plusieurs produits se sont dotés de labels.
Des IGP (Indication Géographique Protégée) garantissent l’aire de production des Melons du Quercy, de l’asperge des sables des Landes
3 variétés de fraise parmi les plus cultivées - Gariguette, Charlotte, Ciflorette- ont un label rouge qui n’a pas de spécificité géographique.
**Le champ de semence
Il se reconnaît à ses rangs exceptionnellement soignés de maïs, de betterave, de céréales. A la saison des pollens, il s’anime de saisonniers et s’émaille de sachets disposés sur les fleurs. 10 000 ha sont ainsi sous contrat avec des semenciers, et pèsent 31 millions d’euros. Ils exigent une grande vigilance vis à vis des sources de pollution génétique. L’une des tâches consiste à mobiliser l’ensemble des partenaires locaux pour maîtriser les repousses précédentes susceptibles de perturber le croisement prévu : friches, talus, espaces verts, jardins, etc. La production est ainsi regroupée dans quelques bassins, comme le Gascogne pour la betterave, et simultanément dispersée au sein de ce bassin afin de maintenir une distance de sécurité entre géniteurs.
Ces champs sont l’objet de contrats entre l’agriculteur et un apiculteur voisin car il faut souvent 4 à 10 ruches par hectare pour assurer la fécondation des semences.
Le paysan qui signe le tableau
L’omniprésence de cultures spécialisées fait que l’on voit beaucoup de gens travailler dans les champs et les vergers, beaucoup plus que dans la plupart d’autres départements français. Si l’on passe régulièrement devant un îlot de 10 ha de champs céréaliers, en effet, on ne croise un tracteur ou une moissonneuse que 4 jours par an environ. Dans la petite parcelle voisine de 1 ha de verger ou de maraîchage, on verra régulièrement travailler une équipe de 3 à 5 personnes. Le rapport de main d’œuvre à l’hectare entre les deux systèmes agricoles est au moins de 1 à 200.
La portion visible de l’activité agricole -les champs, les tracteurs et les ouvriers dans les champs, les barrages de retenue- ne représentent toutefois qu’une part de plus en plus restreinte de l’activité. Les équipes visibles en extérieur ne sont plus que la petite partie visible de l’emploi agricole. L’essentiel des revenus, des heures de travail, se cachent désormais derrière les parois des serres et des bâtiments à canards, des ateliers de conditionnement, des bâches des camions des transporteurs.
Cette perte de lisibilité des métiers agricoles, de leurs réussites et de leurs déboires, de leurs savoir-faire, de leurs produits locaux, est une préoccupation pour la profession agricole. Le consommateur ne regarde plus l’étal de fraises ou de tomates produit par ses propres voisins ; le jeune salarié saisonnier exécute sa tâche ponctuelle mais ne "voit" plus ce qui se passe dans la serre quand il n’y est plus, et ne voit plus en quoi ce job pourrait devenir un vrai métier ; jusqu’à l’agriculteur qui n’accède plus à ce que font ses collègues, et qui, semble-t-il, a de plus en plus de mal à avoir une vision d’ensemble de son métier. Chacun perd de vue des gestes simples hier encore exposés au vent et à la pluie mais aussi à la vue de tous : semer, repiquer, désherber, nourrir un cheptel, récolter, conditionner, transporter. Voir, faire voir les champs et le travail agricole reste pourtant l’une des clefs de la reconnaissance de l’importance de cette activité dans la société.