Contenu
La place, cœur de ville et lieu de vie
|
Le premier rôle de la place publique était de permettre le rassemblement des habitants et d’accueillir des activités, et parmi ces activités communes ou collectives, la plus importante et plus régulière était le marché ou les foires. Dans un département de production agricole nourricière, pour écouler les marchandises, il fallait un lieu d’échanges et de commerces.
- Carte des foires à la fin du XVIIIème siècle. Cette carte montre le nombre important de foires qui rassemblaient les populations des campagnes dans les bourgs et les villages.
- D’après l’Atlas historique français - Le territoire de la France et de quelques pays voisins - Agenais, CNRS, 1979
L’atlas historique publié par le CNRS, comprend une carte sur les foires à la fin du XVIII ème siècle. Elles sont nombreuses. C’est Miramont qui en compte le plus grand nombre, 18 foires par an mais Laparade en compte 12, Villeréal, 10 et beaucoup de villages en accueillent au moins 4 par an. Pour les bastides, villes neuves franchisées, le rôle de place marchande est affirmé par la présence au centre de la composition urbaine de la halle. Dans certains cas, les murs de la halle ont conservé les mesures à grain, excavations dans des pierres de taille qui correspondent à un volume donné et qui servaient donc à mesurer les marchandises pendant les transactions.
Les halles étaient quelquefois occupées à l’étage par l’hôtel de ville, si bien que la place centrale des bastides, souvent réunissait en une unité de lieu l’activité économique et l’instance du pouvoir. Aujourd’hui, les foires n’existent plus, remplacées par les M.I.N (Marché d’intérêt national). Mais les marchés perdurent, dans nombre de bourgs et de villes, accueillant encore, pour partie, des producteurs locaux. Cette activité transforme l’espace public, l’encombre mais le rend également attractif et vivant. En période estivale touristique, les marchés sont plus nombreux, preuve que cette occupation de l’espace public contribue à l’attractivité du territoire : à la qualité des produits s’ajoute la convivialité de l’espace public.
Le jour de marché, la voiture est reléguée à l’extérieur, par contre, l’espace est fragmenté par les étals et les bâches cachent pour partie l’architecture environnante. Ce jour-là, la place qui est un vide dans le tissu urbain, redevient le temps d’une matinée un plein bariolé. Aux jours de marchés hebdomadaires, peuvent s’ajouter les fêtes, les animations particulières, foires aux plantes, vide-greniers, etc… Cette double vie de la place publique est très intéressante, elle permet de « vivre » et d’appréhender l’espace public très différemment.
Chaque place a son rôle
Il n’y a pas que les places de marché. Même dans des villages de taille modeste, on peut découvrir plusieurs places, chacune dépendant en quelque sorte d’un équipement public, la place de la mairie, la place de l’église. Dans ces situations, la place permet un recul pour découvrir l’édifice dans sa monumentalité, elle sert de faire-valoir et à la fois elle en devient un prolongement extérieur pour les moments d’affluence, la sortie de messe, les mariages. Souvent, chacune a son ambiance propre, formant un ensemble d’espaces complémentaires.
Des places régulières
La place est un espace collectif, disponible pour réunir les habitants, du quartier ou de la ville. C’est un espace laissé « vide » par intention, il est en quelque sorte construit. Quand il doit construire, l’homme occidental construit plus volontiers des formes régulières, carrées ou rectangulaires que des formes aléatoires. C’est pourquoi bon nombre de places sont dessinées sur la base d’un plan régulier, c’est notamment le cas pour les bastides mais pas seulement. Par contre, il n’y a pas, a priori, dans le département d’exemple de place monumentale dont l’ensemble des façades aurait obéi à des règles précises, comme par exemple la place nationale à Montauban, celle du Capitole à Toulouse ou celle de la Bourse à Bordeaux. Mais, même si les façades des maisons n’obéissent pas à une règle d’ordonnancement, les places régulières sont en général « tenues » par des façades homogènes, constituées de maisons de même hauteur et de gabarit semblable qui soulignent la régularité de la géométrie de la place.
Des places organiques
Les places « organiques » sont des places de forme aléatoire, irrégulière. Il y a souvent deux origines à ces formes irrégulières, soit parce que le village ou le bourg est d’époque médiévale, pris dans une enceinte irrégulière, soit parce que la topographie ne permettait pas d’établir un plan régulier. Ces deux raisons peuvent se conjuguer. Ce sont des espaces souvent de dimensions plus modestes qui s’articulent avec la rue ou bien les uns avec les autres. Cela confère une fluidité à l’espace public, également une forme de théâtralité où la découverte est progressive, des vues s’ouvrent, se réduisent, se ferment.
Avec ou sans arbre
Compte tenu de la chaleur des étés, dans le département, toutes les places ombragées sont agréables. Quelquefois, la place accueille un seul arbre, ou un bouquet de deux, trois sujets, des tilleuls par exemple. Mais il existe aussi des places complètement plantées, avec des structures végétales régulières qui accompagnent l’architecture, comme à Sos, ou qui la remplacent comme à Houillès. Dans ce cas, ce sont souvent des platanes conduits en taille architecturée.
Il faut préciser que, dans la plupart des cas, tous ces arbres majestueux que l’on rencontre aujourd’hui sur les places sont des arbres plantés il y a bien longtemps. Dans les nouveaux projets, les arbres se font de plus en plus rares, et particulièrement les essences à grand développement qui ne conviennent jamais aux riverains, aux commerçants, aux concessionnaires de réseaux, aux gestionnaires de l’espace public, aux voitures…
C’est bien dommage de constater que les plus belles places plantées que compte ce département sont toutes constituées de vieux sujets et que la relève n’est pas assurée.
Une invitée encombrante
Bien évidemment, c’est de la voiture dont il s’agit ; la plupart des places n’ont pas été conçues pour accueillir ni de la circulation automobile ni du stationnement. Malheureusement la voiture parasite nombre de places, tant dans les villages que dans les villes. Elle parasite de plusieurs manières, soit elle est stationnée et elle encombre l’espace, soit elle est indésirable et alors surgissent des alignements de poteaux, de bornes, toutes sortes de mobiliers urbains qui banalisent la petite place de village.
La place, lieu de vie à réinventer
Dans la genèse des bourgs et des villes, les places ont servi d’accroche pour relier le cœur devenu trop petit, trop contraint, aux extensions urbaines devenues nécessaires. L’observation des cadastres anciens montre comment des formes urbaines différentes s’articulaient l’une à l’autre par un espace public, qui permettait à des trames viaires et un parcellaire différents de se raccorder. Cette manière d’étendre les bourgs et les villages qui s’est poursuivie jusqu’au milieu du XX ième siècle semble depuis avoir été oubliée, reléguée. Deux exemples peuvent être cités, différents par leur taille et leur contexte : Prayssas et Agen.
A Prayssas, le bourg circulaire protégé par son enceinte, s’est étendu autour d’une place rectangulaire, probablement l’ancien champ de foire. La place a servi de rotule entre deux organisations parcellaires très différentes et deux systèmes viaires.
A Agen, la place Armand Fallières est une grande place publique aménagée à la fin du XIX ème siècle en lisière sud de la ville dense. Elle abrite deux monuments aux morts, elle est ombragée d’arbres séculaires, cèdres, platanes, tilleuls et marronniers et a conservé ces beaux lampadaires d’époque. Ce secteur qui se trouvait à l’extérieur des anciens remparts, comprenait déjà l’évêché devenu préfecture. Au XIX ème sont venus s’ajouter le tribunal, la prison, les archives. Les équipements publics ont été édifiés autour de la place tandis que les terrains voisins étaient densément lotis.
Dans ces configurations urbaines dessinées à partir d’une place, c’est la ville qui s’étend, ce n’est pas une excroissance qui pousse. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, les nouveaux quartiers en extensions sont pensés comme des opérations autonomes qui sont reliées à la route mais pas aux quartiers voisins, ni au centre du village. Le vocabulaire urbain de la place disparaît, au mieux est-il remplacé par un espace de stationnement. Avec la place, la convivialité, le lien social ne risquent-il pas aussi de disparaître ?
Pour en savoir plus
Aménager les espaces publics du bourg, guide à l’attention des élus - CAUE 47- 2015