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Les ateliers de paysage : une lecture partagée des paysages de Lot-et-Garonne
L’atlas, une démarche de partenariat et de concertation
Le paysage dans la définition donnée par la convention européenne renvoie à la fois à une réalité géographique et historique, à une perception sociale et à des dynamiques d’évolution et de gestion.
La démarche de réalisation de l’atlas s’inscrit donc dans une logique de partenariat entre paysagistes, gestionnaires et habitants permettant de faire émerger un portrait partagé. Cela est passé bien sûr par les discussions et échanges avec les différentes instances de suivi et de pilotage de l’étude, mais également par l’organisation d’ateliers d’échange réunissant élus, techniciens, agriculteurs, associations, gestionnaires, mais également toutes les personnes désireuses d’y participer qu’elles soient simple habitant ou plus impliquées dans les questions de paysage.
Ces quatre ateliers ont permis de situer le discours paysager à l’interface des constats (par l’ensemble des spécialistes : géographe, paysagiste, architecte, agronome, etc.) et des perceptions intuitives des participants "natifs" ou non de la région. Ils ont ainsi permis d’engager un processus de consensus sur la lecture partagée des paysages de Lot-et-Garonne.
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Pourquoi ?
Les ateliers ont plusieurs objectifs :
Recueillir le regard de la population sur son propre paysage pour alimenter l’Atlas lui même.
Échanger entre auteurs de l’Atlas, et futurs utilisateurs : services de l’Etat, des collectivités, élus, associations, habitants.
Permettre à tous de commencer à s’approprier les enjeux de paysage locaux.
Le chemin est ici aussi important que le but : in fine, l’atlas n’est pas un document réglementaire, mais un document qui alerte et propose. Sa fécondité dans les années qui viennent dépendra autant du nombre de personnes qui s’en seront emparés localement, que de la pertinence du document lui-même.
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Comment ?
Le fait d’échanger sur site, par petits groupes conviviaux, permet à chacun de s’exprimer et de se réapproprier la démarche de l’Atlas. L’analyse paysagère est une découverte pour la plupart, mais chacun s’aperçoit qu’elle lui est somme toute assez familière. Qu’il s’agisse de choisir un site de balade, de prendre une belle photo, ou de décider d’habiter dans tel logement plutôt qu’un autre, chacun a fait l’expérience d’apprécier ou non le paysage d’un lieu, s’est interrogé sur "qui fait quoi" et sur ce qui pourrait s’améliorer. De ces échanges par oral se dégagent des points clefs, des façons de formuler les enjeux et les propositions qui ont enrichi le contenu de l’atlas. |
Qui ?
Ont participé aux ateliers : des élus, des techniciens, des responsables associatifs, des habitants, des gestionnaires, des professionnels du paysage.
Au total, les participants ont consacré 4 demi-journées à arpenter le terrain et à échanger sur le paysage local en compagnie des auteurs de l’Atlas.
Un grand merci à l’ensemble des participants.
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Déroulement
Chaque atelier, ouvert à tous, dure une demi-journée, le matin ou l’après-midi. Il comprend un parcours libre d’un petit itinéraire d’une heure trente à pied par petits groupes de 3-4 personnes, puis une mise en commun en salle d’une heure, groupe par groupe, puis enfin un débat d’une heure autour des enjeux et des points forts du paysage. |
Lors de chaque atelier, les participants se sont répartis en groupes et sont allés visiter des sites de leur choix avec comme point de départ une question simple : « Vous avez envie de faire apprécier ce paysage à un ami de passage dans ce secteur. Que lui montrez-vous ? » |
Sur chaque site visité s’engageait alors une discussion autour de quelques questions :
Vous avez découvert ce paysage il y a des années. Voyez-vous des traces d’évolutions ?
Vous revenez ici dans 10 ans. Y a-t-il des évolutions que vous craignez ? D’autres que vous appréciez ? Qui pourrait faire quoi d’ici là ?
Les mises en commun en salle, d’une durée d’une heure environ, ont toujours été… trop brèves, mais elles ont soulevé beaucoup de questions, d’enjeux locaux.
Les sites « coups de cœur » visités
Dans l’ensemble des sites, nous constatons que les petits groupes se sont répartis entre plusieurs options :
Aller voir un panorama grandiose en montant en voiture à un "pech" dominant la vallée de la Garonne ou du Lot (partout, sauf Monbahus). Une étape incontournable consistait à nommer des repères : bourgs perchés sur un pech ou à flanc de coteau, route principale, château... Le tracé des rivières était souvent peu repérable, masqué par des arbres de la vallée.
Faire un tour dans les collines, entre champs et bois, voire en lisière de la foret landaise, souvent à pied depuis le bourg (St Pierre de Buzet, Monbahus), avec parfois un arrêt devant une palombière.
Partir en voiture voir un site de caractère d’intérêt local dans la campagne -château, moulin, pech - en passant par des routes de crête ; les arrêts se faisaient alors souvent face au panorama découvert à l’amorce d’une descente, ou le long d’un champ ou d’un pré remontant jusqu’à la route, dégageant une vue au loin.
Commencer par un tour dans le centre historique, constater son dynamisme, observer les rénovations menées dans les dernières décennies. Certains bourgs offrent en outre quelques beaux aperçus sur la campagne alentour depuis un belvédère si le bourg est implanté en éperon (Monbahus, Penne)
Explorer la périphérie des bourgs où tous ont constaté la présence de bâti de qualité, et de maisons récentes parfois discordantes ou bouchant les vues.
Partir délibérément explorer le contact avec l’eau (Penne), voire la confluence dite "des deux fleuves" (Aiguillon)
Au fil de ces petits circuits, les groupes se sont arrêtés sur ce qui suscitait l’intérêt, ou le débat.
**St-Pierre-de-Buzet
La plupart des groupes se sont dirigés vers un tronçon de la route en crête pour appréhender le vallon depuis une hauteur, et la resituer par rapport à la vallée de la Garonne.
Certains ont fait un tour des villages alentour, entre vallée de la Garonne et bourgs de Gascogne.
Tous ont salué l’harmonie de ce petit bourg au milieu de sa combe de vignes.
Les débats ont porté sur l’avenir de cet ensemble bâti, certes préservé, mais en partie inoccupé ; sur la raréfaction des viticulteurs habitant sur place.
Plusieurs leviers apparaissaient : rénover des logements vétustes en centre bourg et éviter que quelques maisons récentes en périphérie banalisent les coteaux ; compléter et faire connaître des cheminements entre collines et forêt, en particulier à-partir d’une ancienne voie ferrée.
**Aiguillon
Tous sont au moins passés sur le Pech de Berre, d’où ils ont tenté d’apercevoir la confluence emblématique "des deux fleuves", qui a donné son nom au département.
Deux groupes sont partis en voiture, puis à pied "voir la confluence". Ils se sont arrêtés sur des sites de caractère au bord de l’eau (plage, moulins, île...) mais ils ont eu du mal à accéder à la confluence. Tous ont souligné le contraste entre les rives et les eaux sauvages de la Garonne et le caractère paisible du Lot et de ses berges.
Les débats ont porté sur les accès aux berges du Lot qui se sont raréfiés depuis quelques décennies, et sont souvent privatisés par les riverains ; sur le paysage de filets et des tunnels de la plaine maraîchère vue depuis le Pech, dont l’appréciation alimentait les discussions.
Plusieurs leviers apparaissaient : restaurer des accès à l’eau ; restaurer quelques fenêtres de vue sur la confluence et sur le canalet ; préférer des filets sombres au-dessus des vergers, et raconter leur rôle agricole.
**Monbahus
Presque tous les groupes ont commencé, ou terminé, par monter à pied à la butte de la Vierge. Certains sont partis vers les reliefs plus marqués à l’est tandis que d’autres sont allés vers les paysages plus ouverts à l’ouest.
Côté ouest, chacun a souligné le parcellaire appréciable de "carrés" juxtaposant des céréales, des prés, des petits bois, et qui semble assez stable.
Côté est, les lignes de crête pourtant plus affirmées sont en cours de fermeture par les plantations de noisetier. Les multiples vallons argileux permettent de multiplier les petits étangs de retenue.
Les débats ont porté sur la juste place du noisetier dans les secteurs argileux, une filière qui, avec les bâtiments à canard, se substitue rapidement à l’élevage ruminant qui a décliné sur les terres argileuses : le lait d’abord, puis plus récemment, l’allaitant. Ce basculement est sensible car il referme tout aussi rapidement les vues. Cette substitution en rappelle une autre dans ce secteur quand au milieu du XXème s, des petits bois ont remplacé les anciennes vignes. Dans la plaine, l’interruption de l’exploitation du bois fait que les haies arborées forment des écrans qui peuvent masquer des vues précieuses et en particulier lorsqu’ils enserrent le bourg. L’attractivité du centre bourg avec sa rue centrale a également été discutée.
Plusieurs leviers apparaissaient : avec l’essor du tourisme, veiller à un minimum d’intégration paysagère des équipements agricoles et industriels, et des maisons dispersées, éviter certaines maisons qui se répartissent à flanc des coteaux ; développer des cheminements, en s’appuyant ici encore pour partie sur une ancienne ligne de chemin de fer ; encourager les propriétaires à reprendre l’exploitation de certains bosquets et haies.
**Penne-d’Agenais
Les groupes ont composé entre cheminer le long du Lot, monter au centre bourg sur son éperon, faire un tour dans la plaine maraîchère dans la vallée, ou dans les collines au sud. Tous sont montés jusqu’au belvédère remarquable du plateau St Michel.
Les échanges ont porté sur les mutations permanentes de l’usage des petites parcelles fertiles qui font la richesse agricole de ce secteur. Ces paysages évoluent rapidement depuis plusieurs décennies et posent de multiples questions à l’observateur.
Le barrage de Villeneuve en 1968 a apaisé le cours du Lot. Le bourg de Penne qui se dégradait au début des années 1980 a été restauré, ainsi que la façade sur le Lot. La plaine maraîchère n’a pas cessé de connaître des mutations de productions au gré des filières implantées localement. Les productions "en sec" de 1960 ont été supplantées par des fruits et légumes systématiquement irrigués dans les années 1970, avec des kiwis (1972). Depuis les années 2000 et la fin du tabac, les céréales se développent à côté des parcelles légumières. Les arbres des versants -jardins, anciens parcours en friche- font écran et masquent le bourg depuis le bas, et referment les vues depuis les hauteurs.
Les débats ont porté sur l’attractivité du bourg ; sur les dispositifs réalistes pour défricher et entretenir les friches des pentes et sur les droits d’accès à l’eau entre des propriétés.
Plusieurs leviers apparaissaient : restaurer le chemin de berge ou des accès plus ponctuels à l’eau (escaliers, pontons), ainsi que des lieux de baignade ; trouver des modalités pour soutenir l’entretien du patrimoine bâti public (chemins, églises désaffectées) ou privé (moulin, fermes, châteaux…).